Plus de quinze jours ont passé depuis la date à laquelle Benyamin Netanyahou était supposé dévoiler ses intentions concernant l’annexion par Israël d’une partie de la Cisjordanie. Son rêve se heurte à de nombreux obstacles pratiques, et à un soutien moins explicite des États-Unis.
Alors que le monde avait les yeux rivés sur lui le 1er juillet, Benyamin Netanyahou n’a rien dit de sa promesse d’annexer une partie de la Cisjordanie. Les jours suivants n’ont pas apporté plus d’indications sur ses intentions. A-t-il renoncé ? Attend-il des jours meilleurs ?
C’est par une célèbre histoire juive que l’éditorialiste anglo-israélien Anshel Pfeffer choisit d’expliquer les atermoiements du premier ministre israélien dans les colonnes du quotidien Haaretz : celle d’un juif hassidique qui se rend chez son rabbin « pour se plaindre de ses conditions de vie dans son minuscule foyer, avec une femme acariâtre, des enfants bruyants, des beaux-parents » et à qui le rabbin suggère d’y ajouter une chèvre.
« La semaine suivante, le hassid est déjà de retour et se plaint qu’il a maintenant une chèvre qui bêle, fait des crottes et grignote tout ce qu’elle trouve. “ Enlevez la chèvre ”, lui conseille alors le rabbin. “ Vous apprécierez votre maison telle qu’elle est ”. »
Les avantages du statu quo
Comme ce juif pieux, Benyamin Netanyahou a-t-il réalisé les désagréments que lui causerait l’annexion de certains blocs de colonies, voire de la vallée du Jourdain ? S’est-il aperçu que le statu quo actuel – en vertu des accords d’Oslo, ces territoires sont déjà « sous le contrôle exclusif d’Israël » – est finalement plus avantageux .
Alors que le pays fait face à une situation économique catastrophique et que la pandémie de coronavirus repart en flèche, c’est l’une des hypothèses très sérieusement émises par les spécialistes de la vie politique israélienne.
« Les bénéfices de l’annexion sont symboliques alors que les risques, eux, sont très concrets », prévenait le philosophe israélo-américain Micah Goodman à la veille du 1er juillet, en citant « la remise en cause des accords de paix avec la Jordanie, les tensions avec les pays du Golfe, des sanctions européennes, voire l’effondrement de l’Autorité palestinienne. »
De fait, les mises en garde internationales se succèdent. « En tant qu’ami d’Israël, je vous exhorte à ne pas annexer », a écrit le 1er juillet le premier ministre britannique Boris Johnson dans le grand journal Yediot Ahronot, affirmant qu’une telle décision serait « contraire aux intérêts d’Israël à long terme ».
Jeudi 9 juillet, c’était au tour d’Emmanuel Macron d’enfoncer le clou, au cours d’un entretien téléphonique avec Benyamin Netanyahou, soulignant « qu’une telle mesure serait contraire au droit international et compromettrait la possibilité d’une solution à deux États comme l’établissement d’une paix juste et durable ».
Crainte d’un regain de violence
Même en interne, la situation est loin d’être simple pour le premier ministre. Aux difficultés pratiques de tracer les nouvelles frontières et d’en tirer les conséquences opérationnelles s’ajoutent les difficultés politiques.
Alors que les désaccords se multiplient entre eux, Benyamin Netanyahou ne parvient pas à rallier à sa cause son allié au sein du gouvernement Benny Gantz. Même les colons, dont le premier ministre souhaite s’attacher le soutien, sont loin d’être unanimes : les plus extrémistes refusent catégoriquement l’idée d’un « État palestinien », prévue en guise de contrepartie par le « plan Trump ».
Pour couronner le tout, les plus hautes autorités sécuritaires du pays – le chef des Forces de défense et le directeur du Shin Bet – ont tous deux exprimé leurs craintes d’un regain de violence à Gaza et/ou en Cisjordanie. Tout sauf ce dont le pays a besoin alors que son économie est au plus bas…
Hésitations américaines
Plus que tout, les hésitations américaines semblent avoir eu raison de la précipitation de Benyamin Netanyahou. Alors que l’Administration américaine actuelle et le chef de la Maison-Blanche, Donald Trump, sont les seuls à soutenir ses rêves d’annexion, Washington a envoyé des messages plus nuancés ces dernières semaines, l’appelant avec insistance à s’entendre avec Benny Gantz.
Peut-être Donald Trump a-t-il la tête ailleurs ? Peut-être redoute-t-il les conséquences pour lui-même, en pleine campagne électorale, d’une opération qui tournerait mal ? Nul doute que la situation se corse pour « le magicien », qui a fait face à la première manifestation d’ampleur contre lui mardi 14 juillet et qui affrontera dimanche 19 juillet, la deuxième audience de son procès pour corruption.
Source La Croix
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